Interview avec une militante, Marina Karastergiou de la Coordination des associations du village d’Iérissos, dans la péninsule de Chalkidiki
Alexis J. Passadakis, Attac

La Grèce est censée devenir le premier producteur d’or en Europe. C’est, en tout cas, le plan de l’entreprise Hellas Gold, contrôlée à 95 % des parts de capitaux par le groupe canadien Eldorado Gold. Au Nord de la Grèce, dans la péninsule de Chalkidiki, située au sud-est de Thessalonique, une mine à ciel ouverte de 200 m de profondeur doit être créée. Les travaux ont déjà commencé. La mine à ciel ouverte se trouve dans une zone montagneuse, couverte à 90 % de forêt, en partie de la forêt primaire, et constitue un réservoir d’eau pour toute la région. Ceci suscite des protestations massives. Des associations citoyennes locales s’opposent à la destruction massive du paysage, mais surtout aux dangers que présente pour les populations la pollution de l’eau au cyanure. C’est à l’aide de ce produit chimique que l’or doit être isolé de la roche. En dehors des protestations contre les diktats d’austérité, aucun autre sujet ne mobilise autant d’hommes et de femmes en Grèce que cette catastrophe prévisible pour les humains et pour l’environnement.

Comment votre protestation contre la mine d’or à ciel ouvert a évolué, depuis la victoire électorale de SYRIZA?

Que ce soit dit d’emblée: nous avons décidé de continuer. A la fin mars, nous avons eu une manifestation avec 10.000 personnes à Thessalonique. Notre objectif, c’est d’arrêter durablement l’extraction d’or par l’utilisation du cyanure. Je fais partie de ceux et celles qui pensent que nous devons exercer une pression très, très forte sur le gouvernement pour atteindre cet objectif. Nous ne pouvons pas nous permettre de croire que nous pourrons sauvons notre santé et notre avenir en restant sur le canapé. D’autres personnes, cependant, avancent que nous devrions laisser plus de temps au nouveau gouvernement, que nous ne devrions pas lui rendre la vie difficile. Pour cette raison, beaucoup misent, en ce moment, plutôt sur les procédures juridiques. J’espère que leur patience ne sera pas trop longue. Il y aura, de toute façon, de nouvelles manifestations dans les montagnes.

Le parti SYRIZA a-t-il pris des mesures concrètes, depuis son entrée au gouvernement?

Depuis janvier dernier, il existe deux SYRIZA. Il y ale SYRIZA qui lutte avec nous depuis des années, dans nos associations locales et dans la rue. Et il y a le nouveau SYRIZA, en tant que parti gouvernemental. Bien sûr que SYRIZA continue d’être à nos côtés. Mais en même temps, en tant que force gouvernementale, SYRIZA a maintenant les mains plus liées qu’avant. Sur le plan tout à fait pratique, SYRIZA a retiré la licence de production de l’entreprise Hellas Gold afin de procéder à des vérifications. Mais ça n’empêche pas Hellas Gold de créer, sur place, un fait accompli. La destruction des forêts s’accélère à grande visite, et c’est un vrai désastre. Hellas Gold va, de son côté, agir en justice contre le retrait de sa licence. Par ailleurs, il y a l’accord avec les institutions de la «Troïka» en date du 20 février. A travers lui, le gouvernement grec s’est obligé de prendre aucune «mesure unilatérale», ce qui signifie de n’accomplir aucune démarche sans l’accord des créanciers. Aussi pour cette raison, un retrait définitif de la licence de Hellas Gold n’est guère faisable.

Mais nous ne nous laisserons pas arrêter, uniquement parce que SYRIZA est entré au gouvernement et parce que nous devrions prétendument aider un ministre, comme certains le disent. Nous savons bien que SYRIZA aimer fermer la mine, et se place de notre côté. Je pense que SYRIZA doit faire très attention de ne pas perdre l’entrée au gouvernement que ce parti vient de gagner. Les mouvements sociaux doivent continuer à lutter pour leurs causes, mais ils doivent aussi faire attention que SYRIZA se maintienne au gouvernement. Si nous étions à nouveau gouvernés par le Premier ministre de droite Antonis Samaras, nous n’aurons plus aucune possibilité de choix. Nous avons un objectif, et nous le poursuivons sans nous laisser désorienter. Nous ne pouvons pas tenir compte des problèmes de SYRIZA; nous avons nos propres problèmes. La mine à ciel ouverte est notre plus grand problème, ici dans notre région.

Depuis janvier dernier, la réaction de la police à vos protestations a-t-elle changé?

Le 05 avril dernier, nous avons manifesté dans les montagnes. Et la réponse de la police a été très dure: du lacrymogène. La contre-manifestation des salariés de la mine a été protégée par la police, et toute la répression a été tournée contre nous. Mais ce n’est pas très dur à comprendre. Dans cet Etat, le parti SYRIZA a beau être au gouvernement, il n’est pas au pouvoir. Il n’a aucun contrôle sur l’appareil policier et judiciaire, où les anciens partis gouvernementaux ont placé partout leurs personnels. Par ailleurs, je ne crois pas non plus que la voie judiciaire va finir par nous aider à arrêter la mine à ciel ouvert.

Quelles seront vos prochaines démarches?

Courant juin, nous irons à Athènes pour manifester devant le ministère de l’Environnement. Et nous serons occupés par le suivi de procès devant les tribunaux; des centaines parmi nous traînent des accusations suite à des actions militantes. Aussi commençons-nous à faire un travail d’information sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le CETA. Puisque l’entreprise Hellas Gold est majoritairement détenue par des capitaux canadiens et puisque ce traité prévoit une protection des investissements très intrusive, permettent à des entreprises d’agir en justice contre des «entraves à la liberté du commerce», le CETA constitue un vrai problème pour nous.