Demandes à la Deutsche Bahn AG (Société anonyme des Chemins de fer d’Allemagne) relatives au remboursement des frais de voyage Thessalonique – Auschwitz
En avril 2005, l’ONG «Zug der Erinnerung» (Train de la mémoire) et la communauté juive de Thessalonique ont adressé une lettre à la Deutsche Bahn AG, à l’attention du Docteur Rüdiger Grube, son PDG. Il est écrit dans cette lettre (extrait): «Nous nous adressons à la Deutsche Bahn AG en tant que successeur juridique historique de la Deutsche Reichsbahn (Société des chemins de fer du Reich allemand), et vous demandons de rembourser aux ayants droit des victimes grecques de l’Holocauste originaires de Thessalonique les frais de voyage correspondant aux déportations imposées entre mars et août 1943 vers Auschwitz et Treblinka.»
Cette lettre établit un calcul – vérifiable par qui voudra – selon lequel la Reichsbahn avait, à l’époque, facturé deux pfennigs (centièmes d’un mark) du Reich par kilomètre de rail pour les transports en wagon de marchandises, la plupart du temps en wagon de bétail; ainsi, pour le trajet de 1.985 km reliant Thessalonique à Auschwitz et Treblinka, 39 marks du Reich avaient été facturés pour chaque déporté. Au total, la Deutsche Reichsbahn aurait ainsi encaissé une recette d’environ 2,3 million de marks du Reich rien que pour ces déportations.
Le «modèle économique» selon lequel les déportés devaient payer pour le transport vers leur propre mord a été appliqué par la Reichsbahn dans presque tous les cas, s’agissant dans les transport de personnes liés à l’Holocauste. (Voir en détail les livres de Raul Hilberg: «Sonderzüge nach Auschwitz» – titre en allemand: «Trains spéciaux pour Auschwitz» –, Mayence 1981, non traduit en français, et Heiner Lichtenstein: «Mit der Reichsbahn in den Tod» – titre en allemand: «Vers la mort avec la Reichsbahn» –, Cologne 1985). En partie, c’étaient les communautés juives, dans la mesure où elles existaient encore, qui prenaient en charge le coût du transport. Dans un nombre réduit de cas, alors qu’il n’y avait plus personne du côté juif à qui extorquer la rançon du transport vers la mort, la Reichsbahn a exceptionnellement facturé le montant aux SS; et cette organisation criminelle a alors réellement remboursé les sommes à la Société des chemins de fer.
La lettre explique en détail qu’il a été possible, ces dernières années, d’obtenir un remboursement partiel de factures de transport comparables de la part de la SNCF française, cette dernière ayant organisé des transports de juifs vers les camps d’extermination pour le compte de la Deutsche Reichsbahn. Des survivants polonais de l’Holocauste ont, de leur côté, déjà publiquement saisi la justice contre la Deutsche Bahn AG pour des demandes de remboursement comparables. Sur ce point, il est expliqué dans la lettre: «A la suite de consultations diplomatiques entre les gouvernement allemand et polonais, il a été convenu de laisser la Deutsche Bahn AG offrir cinq millions d’euro d’indemnisation (en échange d’une licence d’exploitation de transport ferroviaires pour la Deutsche Bahn AG en Pologne).»
La lettre se conclut sur ces phrases: «Nous demandons à votre entreprise d’indemniser en totalité la Communauté juive de Thessalonique, en tant que représentant légitime des victimes juives de l’Holocauste à Thessalonique. Des copies des billets de train sont tenues à disposition.» Cette lettre est cosignée par Hans-Rüdiger Minow, porte-parole du Conseil d’administration de l’association «Zug der Erinnerung» (Train de la mémoire) et par David Saltiel, le président de la Communauté juive de Thessalonique, République hellénique de Grèce.