Il y a un an, plus de 60 pour cent de la population grecque avaient dit « OXI » (Non) au diktat de l’Union européenne, de la BCE et du Fonds monétaire international (formant ensemble la « Troïka »), qui avaient insisté sur un nouveau programme comportant des baisses des retraites et l’augmentation de la TVA. Mais la Troïka a fini par s’imposer. Syriza a capitulé. Le gouvernement dirigé par Syriza appliqué, désormais, en Grèce le programme des créanciers… contre la volonté manifeste de la majorité et à son détriment.

Il devient de plus en plus clair : la Grèce doit servir d’exemple. La politique d’austérité anti-sociale qui a trouvé application en Grèce est aujourd’hui le programme de ceux qui dominent au sein de l’UE : la Commission européenne, la Banque centrale européenne, le gouvernement allemand… et derrière eux, les grands groupes économiques et les banques. Cette politique est dirigée contre la majorité de la population dans l’UE.

Le projet UE représente, selon la présentation que l’Union européenne donne d’elle-même, pour la création d’EMPLOIS et pour la SECURITE SOCIALE. Mais en réalité, le CHÔMAGE DE MASSE et le TRAVAIL PRECAIRE augmentent. L’ECART entre RICHES et PAUVRES s’accroît de façon continue.

L’UE représente officiellement la PAIX. Mais en réalité, l’UE et plusieurs de ses Etats membres sont impliqués dans un nombre croissant d’interventions militaires et de GUERRES.

L’UE se revendique de la DEMOCRATIE. En réalité, la substance démocratique diminue, au fur et à mesure que l’on approche de Bruxelles ou des institutions de l’UE.

L’UE proclame la LIBERTE DE CIRCULATION. Mais en réalité, l’UE mène une politique de la FORTERESSE EUROPE, qui a pour résultat que d’année en année, des milliers d’hommes et de femmes MEURENT NOYES dans la mer Méditerranée.

Le projet UE est censé représenter une REDUCTION DES INEGALITES entre les territoires. En réalité, il existe un écart important et croissant entre les régions plus riches au centre l’UE t les régions pauvres de la « périphérie ». En même temps, la politique d’austérité menée par l’UE conduit au recul des solidarités, à la haine et a contribué à la MONTEE DE COURANTS D’EXTREME DROITE et FASCISTES.

FactCheck:EUROPE est né à partir de la publication FactCheck:HELLAS, paru courant 2015 en cinq éditions (et en cinq langues).

FactCheck:EUROPE contribue à éclairer sur les contradictions entre la présentation que l’UE donne d’elle-même et sa réalité.

FactCheck:EUROPE s’engage pour les pauvres, les chômeurs et chômeuses, les salarié-e-s et pour tous les réfugié-e-s.

FactCheck:EUROPE contribue, aux côté des syndicats de lutte et des mouvements sociaux, à forger la solidarité d’en bas et à imposer des droits démocratiques et sociaux en Europe.

Rédaction Nikos Chilas (Athènes Berlin), Sebastian Gerhardt (Berlin), Sascha Stanicic (Berlin), Werner Rügemer (Cologn), Mag Wompel (Bochum), Winfried Wolf (Michendorf). Directeur de publication : Winfried Wolf. Traduction vers le français : Bernard Schmid

L’édition allemande est aussi publié sous format papier et est particulièrement appropriée, en raison de son bas prix, à être diffusée lors de réunions publiques, dans des centres culturels, des maisons d’associations etc.

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Le vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union européenne constitue un coup dur pour les dirigeants allemands, européens… qui, à l’instar d’Angela Merkel, Wolfgang Schäuble, Jean-Claude Juncker, Martin Schultz, se comportent en serviteurs  zélés de la mafia des banquiers et investisseurs. Au sein du troisième pays le plus peuplé de l’UE, une majorité ne veut plus entendre parler de l’UE. En particulier les salarié-e-s, les chômeurs et les syndicats n’ont rien à attendre de cette UE. Cela doit constituer une raison de plus de construire une Europa par le bas, une Europe de la démocratie et de la solidarité.

Mais les dirigeants de l’UE, dans cette nouvelle situation, n’ont que trois sortes d’idées : Un, la militarisation. Deux, l’extension de l’euro. Trois, faire un exemple et punir. Ce sont précisément ces prises de position qui durcissent la crise de l’UE et qui motivent d’autres millions de gens à tourner le dos à l’UE.

Militarisation Le 29 juin, quelques jours seulement après le référendum du « Brexit », les 27 pays membres restants de l’UE ont discuté une proposition de stratégie de la Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, qui énonce comme « objectif à long terme » une « Union européenne de la Sécurité et de la Défense communes ». Une telle « Union » ne pourrait exister qu’avec une armée de l’UE. Après avoir agi dores et déjà dans « trente missions communes sur trois continents » sur le plan militaire, il faudrait « aller successivement en avant dans le développement » de cette orientation. Nous apprenons : il n’y a pas assez d’argent pour l’intégration des réfugiés. Il y a assez d’argent pour la militarisation de l’UE. Ce qui va créer de nouveaux réfugiés, et ainsi de nouveaux arguments pour la militarisation. Rien que la mission de l’armée allemande en Afghanistan a englouti jusqu’ici, selon les calculs de l’Institut allemand de la recherche économique (DIW), « de 20 à 45 milliards d’euros ».

Extension de la zone euro Quatre jours après le référendum britannique, le <I>Frankfurter Allgemeine Zeitung<I> (note du traducteur : un quotidien conservateur allemand) a titré : « Juncker veut utiliser le Brexit pour parfaire l’euro. » Le président de la Commission européenne voudrait, apprend-on dans cette source, maintenant « mettre tout en œuvre pour mettre fin à l’,UE aux multiples monnaies’ existant jusqu’ici ». Dans un nouveau plan en dix points du SPD (note du tracteur : Parti social-démocrate allemand) sont exigés « une démarche plus rapide dans l’Union économique et monétaire » et « plus d’Europe ». L’UE prétend avec arrogance de représenter « l’Europe », alors que dès avant le Brexit, avec 508 millions d’habitants, elle ne représente qu’environ 60 % de la population européenne avec 820 millions de personnes. La division continue : 19 des 28 pays membres de l’UE appartiennent à la zone euro. Neuf pays insistent cependant à garder leur propre monnaie. La « monnaie unique », quant à elle, divise doublement : d’abord en pays de la zone euro et autres pays membres de l’UE. Deuxièmement, au sein de l’espace euro, entre le centre et la périphérie (voir page 2).

Faire un exemple et punir Immédiatement après le vote en faveur du Brexit le député européen des libéraux allemands, Alexander Graf Lambsdorff, parlant ici pour une grande partie de la classe politique, a demandé qu’il n’y ait maintenant « pas de ristourne pour les Britanniques ». Le numéro deux du gouvernement allemand, le social-démocrate Sigmar Garbriel, a exigé que les négociations avec la Grande-Bretagne ne soient « pas retardés ». A Bruxelles, il s’agit de faire un exemple et de punir, pour « ne pas permettre aux anti-européens dans d’autres pays membres d’avoir le vent en poupe ».

Et il y a des réflexions, à Bruxelles et à Londres, visant à ignorer le vote pour le Brexit ou à miser sur un deuxième référendum. Ca semble avoir un air connu. En 1992, les Danois ont dit « non » au Traité de Maastricht. En 2001 et 2008, il y a eu deux fois un « non » irlandais aux traités de Nice puis de Lisbonne. En 2005, il y a eu un « non » français et néerlandais au Traité constitutionnel européen (TCE). Mais comment a alors réagi, à chaque fois, l’UE ? On a mis le projet de Traité constitutionnel à la poubelle… et a mis en vigueur, en lieu et place du TCE, le Traité de Lisbonne dont le contenu est largement identique. Les Danois et les Irlandais ont eu le droit à autant de votes qu’il fallait pour que le résultat convienne (à ceux d’en haut). Il y a tout juste un an, il y a eu le Grèce le « non » au diktat d’austérité de l’UE. « Ca ne va pas du tout ! », a-t-on réagi à Bruxelles. Sans délai on a fait un exemple, organisé un chantage brutal et retourné Syriza dans le sens des exigences de créanciers (voir colonne de droite).

Aussi aujourd’hui, les réactions de nombreux hommes et femmes politiques de l’UE tendent à mettre sous le tapis le référendum britannique. La procédure (selon l’article 50 du Traité de l’Union européenne) est cependant claire : selon ses règles, il faut attendre que le pays membre concerné « informe » officiellement – de la part du gouvernement – de sa sortie. Ensuite, « l’Union négocie avec ce Etat un accord sur les détails de la sortie ». Pour cela, s’applique un délai de « deux ans après […] l’information ci-dessus mentionnée. » La lettre et l’esprit du Traité de l’UE signifient qu’il faut se laisser du temps pour la mise en œuvre de la sortie. La raison est compréhensible : il s’agit, pour les deux côtés, d’empêcher que se produise un préjudice inutile.

FactCheck:EUROPE voit dans le vote en faveur du Brexit un signe de plus pour la crise de l’UE qui s’approfondit. Nous nous prononçons contre toute politique qui vise à faire un exemple en punissant. Par ailleurs : même si la rupture que représente le résultat du référendum est profonde, sur deux points, rien d’essentiel ne change. Premièrement, la Grande-Bretagne – tout comme les Etats de l’UE – demeure dans l’OTAN. Or, l’UE et l’OTAN poursuivent leur politique va-t-en-guerre entre autres à l’égard de la Russie. Deuxièmement, les plus grandes banques du monde continuent de gérer dans la Cité de Londres leurs centrales de blanchiment de fonds. A partir de cet endroit, elles pilotent la place financière la plus dérégulée du monde occidental. L’Europe est dominée par les grandes banques et les grands groupes capitalistes. Et ici, l’emploi du terme « Europe » est justifié.

Référendum (I)

Un référendum en Grande-Bretagne ? Des pressions de l’UE pour ne pas accepter le résultat ? Ca ne vous rappelle pas quelque chose ? Justement : il y a un an, le 05 juillet 2015, il y a eu un référendum. 61,2 % de la population ont voté « OXI », ont dit « Non » à un nouveau « mémorandum », à encore plus de « rigueur » avec des baisses de traites, des hausses d’impôts, des privatisations et le diktat de la Troïka à la clé. Les Grecs et Grecques ont exprimé ce vote univoque et impressionnant, malgré le fait que les banques – sous pression de la BCE – étaient fermées depuis une bonne semaine. Malgré le fait qu’ils et elles étaient exposés à un vrai feu roulant médiatique, cherchant à imposer l’idée que « OXI » signifiait : sortir de l’euro. L’UE, le gouvernement allemand et la Troïka se préoccupaient peu des règles de droit et maintenaient leur chantage et leurs pressions. Syriza capitula. Depuis lors, Syriza exécute la politique des créanciers… dirigée contre sa propre population. Voir aussi l’article de Nikos Chilas.

Référendum (II)

On dit : le vote britannique en faveur du Brexit serait un vote des vieux l’emportant sur les jeunes, une victoire de la droite et des réactionnaires. Il est vrai que parmi les personnes âgées entre 18 et 25 ans, seuls 38 % ont participé au vote. Ce que pensent ceux et celles qui n’y ont pas participé, nul ne le sait. En réalité, le camp pro-UE a été dominé par les direction de <I>tous<I> les partis traditionnels (Conservateurs, Parti travailliste et Libéraux). Tous les groupements patronaux et tous les chefs des plus grandes banques et multinationales se trouvaient dans ce camp. S’y ajoutait l’ensemble de la classe politique à l’échelle de l’UE. Il semble difficile de qualifier ce camp de progressiste.

En ce qui concerne la segmentation sociale : les ouvriers qualifiés, les bas salaires et les « classes moyennes inférieures » ont voté pour le Brexit, pour la sortie de l’Union européenne. C’est à partir de la « classe moyenne (supérieure) », en montant, qu’on voté majoritairement pour l’UE. En général, pour l’Angleterre et le Pays de Galles, on peut dire : plus les revenus étaient élevés, plus il était probable que les gens votaient pour l’UE. Et à l’inverse. Le bilan : malgré de nettes majoritaires pro-UE en Ecosse et en Irlande du Nord, à l’échelle du Royaume Uni, il y avait une majorité nette pour « quitter » l’Union européenne : 17,4 millions pour le Brexit et 16,1 millions pour le remain, le « maintien » dans l’UE.

Le débat autour du « Brexit » l’a démontré : on idéalise l’UE. On lui attribue des qualités positives qu’elle ne possède pas. Par la suite, nous allons rapporter quatre allégations du Café du commerce, à propos de l’UE, et les réponses de FactCheck:EUROPE.

Première allégation à propos de l’UE: « L’UE est le plus grand projet civilisationnel des des dernières décennies. » Ainsi l’a dit Martin Schulz, le président du Parlement européen. L’UE elle-même se revendique officiellement « des principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » Ainsi l’est-il inscrit au préambule du Traité sur l’Union européenne (aussi appelé « Traité de Maastricht »).

Réponse FCE En réalité, les institutions de l’UE sont extraordinairement antidémocratiques. Le Parlement européen n’a que des droits limités ; les institutions de l’UE telles que la Commission et le Conseil, qui exercent en partie des fonctions gouvernementales au niveau européen, ne sont pas élues par le Parlement européen. Leurs représentants ne peuvent pas être renversés par un vote. Ils ne sont soumis à aucun contrôle parlementaire. Le Parlement n’a pas d’initiative des lois autonome (note du traducteur : ce qui signifie qu’il ne peut se prononcer que sur des projets de loi présentés par la Commission et le Conseil). Mais ce n’est pas tout. Même la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne ont moins de pouvoirs qu’un groupe informel appelé l’Eurogroupe, qui a été formé après l’introduction de l’euro. Il s’agit ici d’une réunion des ministres des Finances de ceux parmi les pays membres de l’UE qui ont introduit l’euro. L’ex-ministre des Finances de la Grèce, Yannis Varoufakis, a caractérisé cette institution de la manière suivante : « Il n’existe aucun traité qui réglemente la convocation du groupe. Ce que nous avons, c’est un groupe inexistant qui possède le plus grand pouvoir. […] Il ne doit rendre des comptes à personne, puisqu’il n’a pas d’existence juridique, qu’il n’existe pas de procédure [pour ses réunions] et qu’il agit de manière confidentielle. Alors qu’il rend des décisions ayant une importance de vie ou de mort. »

Encore plus éloignée et échappant à tout contrôle parlementaire, agit la Banque centrale européenne. Ses décisions, aussi, influent sur la vie de millions de personnes. Et en ce qui concerne le « respect des droits de l’homme » : ces droits de l’homme sont bafoués avec la politique de la « Forteresse Europe ». Ou alors ils sont noyés dans la mer Méditerranée : l’UE permet délibérément qu’année après année, des milliers d’hommes et de femmes meurent noyés dans la « mare nostrum » (note du traducteur : « notre mer » chez les anciens Romains, également le nom d’une opération de sauvetage maritime de l’UE en 2013/14), dans notre mer Méditerranée (voir pages 3 et 5).

Première allégation à propos de l’UE : L’Union européenne poursuit les objectifs d’une constante « amélioration des conditions de vie et de travail » des salariés, de l’« élévation du niveau de vie », de la « réduction des inégalités territoriales » ainsi que du « retard des territoires les moins favorisés ». Ainsi il est écrit dans le Traité sur l’Union européenne datant de 1992 (« Traité de Maastricht » ; articles 117, 113 et préambule).

Réponse FCE : En réalité, il existe depuis des décennies un écart social et régional énorme au sein de la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne, devenue l’Union européenne. Cet écart n’a pu être réduit que temporairement. Mais il n’a jamais disparu. Il n’y a pas de mesures globales pour faire disparaître ce fossé. Depuis 2009, l’écart social a été approfondi par la crise des pays de la périphérie. L’Irlande, la Grèce, l’Espagne, le Portugal et Chypre se trouvent bloqués dans une impasse. L’UE renforce cette crise, en contraignant ces pays à une politique d’austérité, c’est-à-dire à réaliser des économies sur le dos des classes populaires. Cet écart a des effets positifs pour les grands groupes et les banques : dans la périphérie, ils récupèrent des branches industrielles entières. Ainsi la société Fraport (note du traducteur : l’entreprise cotée en bourse qui exploite la gestion de l’aéroport de Francfort) a pu prendre le contrôle, pour une bouchée de pain, d’une grande partie des aéroports régionaux grecs. Dans les régions plus riches, les grands groupes misent avec succès sur l’idée que l’arrivée d’une main-d’œuvre des pays économiquement faibles peut être utilisée pour maintenir les salaires bas et les bénéfices élevés.

Troisième allégation à propos de l’UE : Dans la présentation de l’UE par elle-même, on lit : « Les normes environnementales de l’UE font partie des plus strictes du monde. La politique d’environnement de l’UE contribue à une économie plus soucieuse de l’environnement, à la protection de la nature et à la sauvegarde de la santé et de la qualité de vie humaine dans l’UE. »

FCE-Réponse : Au sujet de la politique environnementale et climatique, le proverbe qui dit que « parmi les aveugles, le borgne est roi » semble souvent avoir la raison de son côté. Sans doute, les Etats-Unis par exemple sont en général <I>encore plus mal <I> positionnés en matière de politique climatique que l’UE. L’« affaire VW » – qui est devenue entretemps un scandale touchant la branche automobile en général – n’a pu être révélée parce que les autorités environnementales aux Etats-Unis, celles au niveau fédéral et celles de Californie, agissent encore de façon assez indépendante. Dans l’UE, toutes les autorités compétentes avaient homologué les modèles de voitures dont les émissions des moteurs avaient été artificiellement baissées lors des tests, grâce des logiciels manipulateurs. L’utilisation du glyphosate (note du traducteur : comme désherbant) est généralement autorisé aux Etats-Unis. Mais il l’est aussi dans l’UE. Et la valse-hésitation actuelle au niveau de l’UE a abouti à une réautorisation temporaire du glyphosate. Alors que du point de vue même de l’UE, le risque que ce produit soit cancérogène ne peut être exclu. Les associations de consommateurs indépendantes partent du principe que ce risque de cancer est réel. Au niveau du transport ferroviaire, l’UE mène depuis des décennies une politique du démantèlement des entreprises de chemin de fer unitaires (en exigeant la séparation entre le réseau et l’exploitation, et l’ « ouverture du marché des transports »). Lorsqu’en Grèce, la Troïka a pris le pouvoir de fait, l’un des premiers objectifs consistait à privatiser le chemin de fer… ce qui doit aboutir à ce qu’une grande partie des réseaux existants soit abandonnée, fermée. L’adoption par référendum populaire, en Suisse, de la décision de transposer l’ensemble du transport routier sur le rail n’aurait pu être effectuée dans aucun pays membre de l’UE, ou alors la Cour de justice européenne (CJUE) aurait annulé le résultat d’un tel vote populaire. La liberté du trafic revêt une valeur plus importante, dans l’UE, que la protection contre le bruit, celle de l’environnement et du climat.

Quatrième allégation à propos de l’UE : « L’Union européenne est le plus grand projet de paix et de liberté de tous les temps. » Ainsi l’a écrit le rédacteur en chef du journal tabloïd berlinois BZ, Peter Huth. Dans la même tonalité, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s’est exprimé dans le quotidien tabloïd allemand Bild : « La famille européenne […] c’est le mieux, […] pour que les hommes et les femmes vivent en pays. »

Réponse FCE : Déjà la Communauté économique européenne (et plus tard la Communauté européenne, puis l’UE) avait depuis toujours une composant militaire. Avec le Traité de Maastricht de 1992, cette composante militaire a été explicitement renforcée, et a été proclamé l’objectif d’une « Politique extérieure et de sécurité commune » (PESC) ainsi que d’une « politique de défense commune ». Depuis lors, une industrie de l’armement européenne a été construite (dont l’EADS devenu Airbus Group occupe le centre). Depuis lors, il existe des unités militaires auxquelles participent plusieurs pays de l’UE et que sont construites à des fins d’opérations extérieures. En 1999, des pays centraux de l’UE, parmi eux l’Allemagne et la France, ont participé à la guerre d’agression contre la République fédérative de Yougoslavie. Désormais, la politique économique de l’UE est elle aussi conduite de façon agressive et dans un sens poussant à la guerre. Cela est devenu visible au cours de la crise ukrainienne en 2014/15. L’UE avait exigé du gouvernement de Kiev de se positionner ou dans un sens, ou dans un autre : ou en faveur d’une association avec l’UE, ou alors en faveur du maintien des contrats économiques et des relations traditionnelles avec la Russie. Suite à la chute du gouvernement corrompu, mais correctement élu de Victor Ianoukoytch, suite à la mise en place d’un nouveau gouvernement lui aussi corrompu sous Petro Porochenko et suite à la décision de ce nouveau gouvernement de ne plus accepter – de fait – le Russe comme deuxième langue officielle, l’escalade s’est produit : l’Est de l’Ukraine a fait scission. La Crimée a été absorbée par la Russie (suite à un référendum dans ce sens). On en est arrivés à une guerre entre l’Ukraine de l’Ouest et l’Est du pays. Bilan : l’UE mène une politique de l’armement et de qui pousse à la guerre.

« Les 03 et 04 juin, à Vienne, plus de mille personnes se sont rassemblées sous le slogan ,Aufbruch (Départ) – On ne peut pas continuer comme avant’. C’était de jeunes, des militant-e-s de gauche organisés et anciennement organisés, des élu-e-s du personnel, des militant-e-s de la solidarité avec les réfugiés, des antifascistes et beaucoup d’autres, qui lancent ensemble la campagne intitulée ,Nous ne pouvons plus nous permettre le coût des riches’. La campagne d’organisation doit aussi conduire à la construction d’une alternative politique. C’est une telle alternative est plus nécessaire que jamais : la montée ininterrompue du parti d’extrême droite FPÖ constitue une menace sérieuse. Ce parti est en mesure d’attirer autant votes parce qu’il est seul à aborder les problèmes réels et qu’il offre ainsi une soupape pour la colère grandissante. Le fait qu’il arrive à canaliser ces énergies vers l’extrême droite s’explique surtout par l’absence d’une force de gauche dynamique. Maintenant, il s’agit de créer des structures militantes de

Aufbruch au niveau local, afin de porter le message d’une nouvelle gauche dans la rue, dans les quartiers et dans les entreprises. «

Sebastian Kugler, militant de « Aufbruch », membre de la coordination provisoire

Une interview d’Enrico Tortolano des Trade Unionists against The EU (« Syndicalistes contre l’UE »)

Question : Pourquoi vous êtes-vous engagé contre le maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE ?

Autrefois, j’étais le secrétaire politique d’une grande fédération syndicale dans la fonction publique. Aujourd’hui, je suis directeur de campagne des Trade Unionists against the EU. Nous sommes un regroupement de militants des syndicats les plus divers de toute la Grande-Bretagne. Comme la plupart des autres gens, je suis aussi confronté tous les jours directement avec l’UE. Pour moi, le sort de la Grèce n’est qu’un exemple pour le caractère brutale de l’UE.

Question : Quels effets a l’UE sur le travail syndical en Grande-Bretagne ?

Des syndicalistes se retrouvent prisonniers dans un appareil anti-démocratique qui a été crée par des grandes entreprises afin de détruire des droits des travailleurs, imposer l’austérité et de paralyser la résistance ouvrière. L’UE est raciste, impérialiste, dirigée contre les travailleurs et anti-démocratique. Elle fonctionne pleinement selon les besoins des super-riches. Il ne peut y avoir un avenir sans politiques d’austérité que si la lutte pour la sortie de l’UE est gagnée. La politique néolibérale domine la Commission européenne, le Parlement européen, la Banque centrale européenne et la Cour de justice européenne. En Europe, 22 millions de personnes sont au chômage et partout il existe du sous-emploi. Les seuls boulots existants sont mal payés et précaires. Nos retraites stagnent et nos dettes montent à des niveaux astronomiques. Nous vivons de semaine en semaine, ne pouvons faire face aux loyers ou prix de l’immobilier ; les coûts énergétiques, les frais de téléphone, les transports publics, l’éducation des enfants : tout devient toujours plus cher.

Question : Le TUC (la confédération unique) s’est prononcé pour le maintien dans l’UE et prétend que ce n’est qu’ainsi qu’on pourra protéger les droits des travailleurs contres les Tories. Comment avez-vous géré cela ?

C’est absurde. L’UE a été créé en tant qu’organisation des élites capitalistes. La majorité du Parti travailliste et du mouvement syndical est crédule, si elle croit au mythe de l’Europe sociale. L’ancien secrétaire général de la fédération des transports RMT, Bob Crow, malheureusement décédé, avait parfaitement raison quand il disait : « Aucun boulot n’a été sauvé par la législation de l’UE. Elle est pleine d’échappatoires anti-ouvrières qui sont utilisées pour ignorer chaque avantage potentiel pour les travailleurs. En même temps, des « contrats zéro heures » et le travail d’intérim sont devenus un état normal. Des droits collectifs syndicaux et des emplois sûrs sont démantelés. Des droits pour les travailleurs ne se gagnent que par notre force collective et par des luttes concrètes, qui sont presque toujours aussi dirigées contre l’UE..

Question : Comment avez-vous géré le reproche qu’une voix contre l’UE serait aussi une voix pour l’UKIP (parti nationaliste et anti-immigration) ?

Mais l’UE est en premier lieu une « forteresse Europe » raciste, qui fait tout pour bloquer des réfugiés de Syrie et d’autres pays. Chaque jour, des réfugiés se noient dans la mer. Quiconque arrive à entrer en Europe est enfermé dans des camps. Par ailleurs, l’UE exerce un terrorisme en matière de politique économique. Il existe une politique commerciale agressive, en particulier à l’encontre de pays africains. Ainsi la pauvreté est augmentée, et le un pour cent riche et blanc de la population mondiale devient encore plus riche. Il n’existe pas non plus de solidarité entre les pays de l’UE. Entre l’Allemagne et la Grèce, il y a aujourd’hui des tensions comme on n’en avait pas vu depuis 1945.

Question : Comment des syndicalistes ont réagi à votre campagne ?

Nous avions du soutien de toutes les composantes du mouvement syndical britannique et de militants de toute l’Europe. Maintenant nous avons vu comment des millions de membres des syndicats et des gens de la classe ouvrière ont voté pour une sortie de cette UE néolibérale. C’était un rejet de toutes les élites politiques et de leurs institutions. Des syndicalistes comprennent clairement la désintégration sociale, le déclin économique et le déficit démocratique de l’UE. Les initiatives de l’UE les plus importantes ont été la stratégie du Marché commun, la politique européenne de compétitivité, l’intégration économique ainsi que le Pacte de stabilité et de croissance. Le libre-échange, la libre circulation des capitaux et les « règles d’or » pour limiter les déficits sont promus, des intérêts collectifs sont combattus.

Question : Que devrait-il se passer maintenant, d’un point de vue syndical ?

L’article 50 du Traité de Lisbonne doit être utilisée immédiatement. Les médias et les élites politiques vont essayer de manipuler la situation. Les travailleurs et travailleuses doivent être vigilants.

L’interview a été menée par Christian Bunke

Dans l’hôtel « City Plaza » d’Athènes, 400 réfugié-e-s ont pris une chambre. Ils et elles sont arrivés avec rien, et ils ne payent rien.

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Le « City Plaza » est un hôtel situé au cœur d’Athènes. Il est devenu un symbole de la crise grecque. Pendant des années, il est resté fermé. Aujourd’hui, le « City Plaza » a rouvert ses portes et affiche plein. Les nouveaux hôtes viennent de partout dans le monde. De Syrie, d’Irak, du Pakistan, d’Iran ou d’Afghanistan. Les hommes et les femmes à l’hôtel ne sont venus avec rien, et ils ne payent rien.

Au « City Plaza », les réfugié-e-s trouvent un lieu qui leur permet d’avoir une sphère privée, et ceci dans une ambiance de sécurité et de dignité. Cela vaut pour tous les 400 hôtes dans l’hôtel, mais en particuliers pour les 185 enfants parmi eux. L’hôtel a été occupé en avril dernier par un groupe militant d’Athènes. Ensemble, de nombreuses personnes solidaires gèrent avec les réfugié-e-s la marche de l’hôtel. Il n’y a aucun soutien de la part des pouvoirs publics. Mais on y trouve de la bonne nourriture, des couloirs propres, une pharmacie, un coiffeur ainsi que des cours de langue, une bibliothèque et une permanence de conseil juridique. Tout est organisé à base de travail bénévole et financé avec des dons.

« Nous vivons ensemble – Solidarity will win (La solidarité va gagner) ». C’est le slogan au « City Plaza ». L’hôtel prouve chaque jour à nouveau que même au milieu de la crise et de la pauvreté, un accueil solidaire et cordial, une vie dans la dignité humaine pour tou-te-s est possible. C’est pour cela que la gestion collective de l’hôtel a besoin de notre soutien : pour servir 1.000 repas par jour, l’électricité et l’eau, des médicaments, du linge propre, des fournitures scolaires et beaucoup de choses encore.

Mais surtout, pour pouvoir être et rester un exemple politique : l’hôtel « City Plaza » est un lieu de l’égalité des droits et de la solidarité, le contre-modèle vivant à la « forteresse Europa » et à ses frontières de honte. Il constitue un symbole de l’espoir. Ou, tout simplement : le « City Plaza » est le meilleur hôtel de l’Europe.

Commander votre place maintenant : www.europas-bestes-hotel.eu

Extrait de : « Medico International »

Meral Camcı, Istanbul

Le succès électoral du parti pro-kurde HDP en juin 2015 a constitué une nouvelle possibilité prometteuse pour de larges secteurs de la société en Turquie, qui n’avait jusque-là aucune représentation au parlement. Immédiatement, une campagne massive a commencé qui ciblait tous les groupes sociaux résistants, surtout les militants de gauche et les milieux favorables aux droits démocratiques. Dans ce contexte, l’élection a été répétée le 1er novembre 2015. Le HDP a perdu une partie de ses élections, alors que le camp gouvernemental et les autres forces de droite ont gagné en voix. Dans des villes kurdes telles que Cizre, Silopi, Sur ou Nusaybin, des milliers de personnes ont été contraintes de fuir ; beaucoup ont été tuées, parmi elles des enfants, et des centaines de personnes ont été blessées lors des attaques.

En ce moment, à l’ouest de l’Euphrate, une nouvelle voix s’est élevée contre ces méfaits : les universitaires pour la paix. C’était pour la première fois qu’un tel phénomène se manifestant à partir des universités, et dans la partie Ouest de la Turquie. Nous, les 1.128 universitaires pour la paix, ne seront pas partie à ces crimes ! La réponse du pouvoir consistait à licencier, à mettre d’office à la retraire, à ouvrir des enquêtes judiciaire, à suspendre des enseignant-e-s de leur poste, à lancer des arrestations. C’était le début d’une chasse aux sorcières universitaire. Cette guerre contre la liberté est loin d’être terminée.

Les épreuves auxquelles nous faisons face sont trop grandes. La politique européenne rend tout ce qui est déjà mauvais, encore plus mauvais. Les concessions au gouvernement turc concernant les questions migratoires couvrent les violations étendues droits de l’homme. Cette politique renforce un pouvoir qui est déjà trop fort.

D’un côté, nous avons la politique peu lisible des puissances internationales ; de l’autre, la résistance des groupes sociaux qui défendent les droits de l’homme, la démocratie, le travail et la paix. La solidarité internationale renforce et démontre les possibilités d’un autre monde. Nous avons pris notre décision. Nous savons que nous ne pouvons atteindre nos objectifs qu’avec la solidarité internationale.

<I>Note de la rédaction de FCE : Meral Camcı et ses collègues Kıvanç Ersoy, Esra Mungan et Muzaffer Kaya se voient accusé-e-s par le parquet de s’être rendus coupables de « propagande terroriste », en raison de leur signature sous l’appel des universitaires pour la paix et en raison de leur participation à une conférence de presse consacrée à cet appel. Bien que les quatre aient été libéré-e-s de détention provisoire en avril 2016, lors de la première audience au tribunal, le procès se poursuivra en septembre prochain.

Voir :https://barisicinakademisyenler.net/node/63

Quinn Latimer et Adam Szymczyk

L’immixtion politique et militaire continue des puissances occidentales et de la Russie en Syrie a conduit à un blocage sanglant, trop prévisible – une configuration que l’on rencontre fréquemment dans la politique internationale des va-t-en-guerre. En même temps, les conflits en Afghanistan, en Iraq et en Afrique subsaharienne se poursuivent. Ces guerres sont souvent une conséquence de la politique occidentale après la fin de l’ère coloniale ou d’interventions militaires ultérieures. Elles ont poussés des millions d’hommes et de femmes à fuir leur violence insupportable. Maintenant, ces personnes sont contraintes de mettre en péril leur propre vie et la vie de leurs enfants en traversant la mer Egée et la mer Ionienne, pour échouer ensuite en Grèce quasiment sans perspective d’obtenir l’asile. Elles sont ici piégées dans un Etat frappé par la crise, et à la suite du deal sur les réfugiés conclu entre l’Union européenne et la Turquie (note du traducteur : le 18 mars 2016 à Bruxelles), ils risquent le renvoi immédiat en Turquie. Ce deal, qui prévoit un échange « Un qui rentre, un qui sort » ou One in, one out (note du traducteur : pour chaque réfugié renvoyé en Turquie, celle-ci pourra un envoyer un autre – installé sur son territoire – dans l’UE, dans la limite maximale de 72.000) rappelle, sous une forme bizarrement modifiée, l’échange force de populations de 1923 entre la Grèce et la Turquie, suite au traité de Lausanne.

Extrait de l’éditorial de la revue « South », le magazine de l’exposition documenta 14. Quinn Latimer est la rédactrice en chef de « South » ; A. Szymczyk est le directeur artistique de la documenta 14.

Nikos Chilas

Il n’a plus de « main en or » : tout ce qu’Alexis Tsipras touche depuis l’été 2015 ne lui apporte pas de la chance, mais se retourne contre lui et son pays. D’abord, il a gâché le référendum du 05 juillet 2015, en transformant un « Όχι » (« OXI », Non) puissant en « Ναι » (« Ne », Oui) pleurnichant… en mécontentant les 61,3 % du peuple grec qui avaient nettement rejette, par leur vote, les exigences des créanciers. Ainsi il a transformé la victoire la plus importante du mouvement de masse depuis le début de la crise, en une défaite honteuse. Ensuite, il a donné à cette défait la forme d’une capitulation officielle, en signant pendant la nuit du 13 juillet 2015 à Bruxelles un document à travers lequel il a aliéné, ensemble avec la propriété publique, aussi la souveraineté nationale du pays. Enfin, après avoir provoqué la scission de son parti Syriza, il convoqua de nouvelles élections pour le 20 septembre dernier. Il les gagna certes haut la main, mais pour mettre sa victoire au service des créanciers.

Cette série ne s’est plus arrêtée, depuis. Ainsi les 10,3 milliards d’euros accordés à la mai-juin 2016 par le quatuor qui a remplacé la Troïka – composé de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne (BCE), du Fonds monétaire international (FMI) et du Mécanisme européen de stabilité (MES) – constituent-il un baiser qui tue, faisant encore accroître la montagne de la dette grecque. Il doit en utiliser la majeure partie pour honorer des emprunts d’Etat… et retourne ainsi tout de suite et automatiquement dans les caisses des créanciers. Il dépense le reste pour le règlement d’emprunts à court terme auprès de grandes entreprises privées. Ainsi il ne reste pas un seul euro pour des investissements productifs. Au même moment, son gouvernement doit satisfaire de nouvelles exigences des créanciers en matière fiscale et sociale, réduisant ainsi sa propre vision de la croissance et la redistribution socialement juste à un doux rêve. Comme ça toujours été le cas pour de telles « aides », il s’agit d’argent empoisonné qui n’aide le Premier ministre grec qu’à court terme, mais qui ne l’enfonce que davantage à moyen et à long terme.

« C’est la malédiction de ce qui a été mal acquis », a jugé le commentateur sur les ondes d’une station de radio grecque. La capitulation du 13 juillet 2015 a engendré un changement de paradigme dans l’histoire de la gauche à l’échelle européenne. Le président de Syriza et Premier ministre n’a pas seulement, selon les critiques, subi une défait historique. Il est aussi devenu – bien qu’involontairement -, poursuivent-ils, un « larbin » des créanciers, un exécutant de leur programme.

La malédiction est visiblement durable. Le gouvernement Tsipras doit, jusqu’à l’expiration du troisième programme d’aide (ou troisième « mémorandum ») à la mi-2018, réaliser au total 277 « réformes ». Jusqu’ici, elle n’en a mis en œuvre que 80, il en reste ainsi 197 d’inaccomplies. La réalisation de quinze « réformes » supplémentaires, dont celle du droit du travail qui vise entre autres le démantèlement de fait du droit de grève, est imminente. « Pas de répit pour Tsipras », conclut le quotidien économique allemand <I>Handelsblatt<I>. Le stress deviendra son compagnon de toujours.

L’absence de répit résulte de la nature même des mesures, qui se trouvent en contradiction flagrante avec le programme de Syriza. Deux exemples de ce qui a été décidé au cours des deux derniers mois :

  • des impôts supplémentaires de 1,8 milliard d’euros (entre autres l’augmentation de la TVA de 23 ù 24 %) ;
  • la création d’un nouveau fonds dans lequel sont versées toutes les valeurs patrimoniales de l’Etat grec ; parmi elles, 72.000 biens immobiliers. Son objectif est de réaliser une recette de cinquante milliards d’euros par la vente ou « valorisation » de ces biens, dont 50 pour cent seront utilisés pour la recapitalisation des banques, et 25 pour cent respectivement pour le règlement des dettes publiques et pour des dépenses productives de l’Etat grec. Le fonds est programmé pour une durée de 99 ans, son Conseil d’administration et son Conseil de surveillance sont placés sous la direction du Mécanisme européen de stabilité (MES). Ainsi le quatuor a imposé à la Grèce le plan économique le plus long de l’histoire ; il dépasse d’un facteur multiple les plans quinquennaux ou décennaux des pays du « socialisme réel ». A la fin, c’est la bradage total : le pays se sera aliéné lui-même, et ne possédera plus de biens publics.

Un exemple révélateur est la vent de l’ancien aéroport d’Athènes, Ellinikon, qui englobe 620 hectares et est situé directement au bord de la mer. A juste titre, il passe pour être le terrain littoral constructible le plus cher en Europe. Sa valeur est estimée par des experts indépendants à plus de trois milliards d’euros. Mais la direction du fonds l’a bradé pour 915 millions d’euros à l’armateur grec Latsis. Sur le terrain, on construit désormais des appartements de luxe pour 27.000 personnes ; le plan initial de construire un parc pour la population d’Athènes ne devrait pas voir le jour.

Tsipras se trouve dans un dilemme. Non seulement doit-il appliquer le « mémorandum » en cours, mais il doit aussi gérer l’« héritage » des deux mémorandums précédents. Cela correspond à des centaines de lois qui visent prétendument à moderniser l’administration, l’économie et les finances, mais qui transforment en réalité la Grèce en désert social.

Tspiras est la victime d’un chantage qu’il aurait pu éviter par une démission. Il s’est néanmoins décider à se maintenir au gouvernement et à appliquer le « mémorandum ». Malgré tout, il cherche sincèrement à adoucir les effets de sa politique en faveur des classes populaires. Cela constitue un travail titanesque, mais lui donne aussi sa meilleure excuse. Le fait qu’avec son « mémorandum » de gauche, il cause des dégâts irréversibles, il le justifie par l’idée que chaque autre chef de gouvernement à sa place aurait cédé bien davantage aux créanciers. Lui-même serait, à l’en suivre, en plus le garant d’une politique sociale et favorable à la croissance, menée en parallèle au « mémorandum » ou, plus exactement, qui serait prochainement menée grâce aux milliards issus du « Pacte d’investissement » de la Commission européenne.

Tout nous fait dire que la population ne fait plus confiance au Tspiras relooké. Il n’est que toléré, supporté, parce que les figures politiques de l’opposition ont l’air encore moins crédible. Son avenir ne dépend que des limites de cette patience.

Quand seront-elles atteintes ? Ce n’est pas clair. Les réunions publiques pour le premier jour anniversaire du référendum du 05 juillet pourraient fournir des premières indications à ce sujet. En Grèce (et ailleurs en Europe), d’innombrables gens se sentent floués par la transformation miraculeuse du « Non » en « Oui ». Des mobilisations de masse fortes, en ce jour, seraient un mauvais signe annonciateur pour Tspiras, aussi en vue des mesures programmées pour l’automne à venir…

Il est vrai que Tsipras, en tant que Premier ministre, a jusqu’ici été épargné de mobilisations de rue. Les grèves générales et professionnelles à partir de la mi-2015, à la suite de sa capitulation, sont restées limitées.

Ses propres expériences avec de telles actions sont majoritairement positives, puisqu’avant 2015, il a contribué à en organiser, et il les a alors gagnées. Cette période – située entre 2011 et 2015 – coïncide avec la montée en flèche de Syriza. En cette période, 27.103 () manifestations et rassemblements ont eu lieu en Grèce, à en suivre les statistiques du ministère de l’Intérieur – un record numérique. Ce potentiel énorme, Tspiras a su l’utiliser avec une main de maître, à ses propres fins… à une époque où tout ce qu’il prenait en main se transformait encore en or.

Mais aujourd’hui, il n’est plus l’alchimiste politique d’antan. Ni il ne pourra changer la signification du résultat du référendum, ni il ne pourra effacer de la mémoire des militant-e-s les milliers d’actions. Le jour anniversaire du 05 juillet offre ainsi un bonne occasion pour rafraîchir cette mémoire. Mais aussi pour de nouvelles mobilisation… cette fois-ci non pas en faveur de Tsipras, mais contre son « mémorandum ».

Nikos Chilas a été co-fondateur de FactCheck:HELLAS, il s’engage dans la rédaction de FCE t il écrit depuis 1999 pour le quotidien grec « To Vima ».