Le vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union européenne constitue un coup dur pour les dirigeants allemands, européens… qui, à l’instar d’Angela Merkel, Wolfgang Schäuble, Jean-Claude Juncker, Martin Schultz, se comportent en serviteurs  zélés de la mafia des banquiers et investisseurs. Au sein du troisième pays le plus peuplé de l’UE, une majorité ne veut plus entendre parler de l’UE. En particulier les salarié-e-s, les chômeurs et les syndicats n’ont rien à attendre de cette UE. Cela doit constituer une raison de plus de construire une Europa par le bas, une Europe de la démocratie et de la solidarité.

Mais les dirigeants de l’UE, dans cette nouvelle situation, n’ont que trois sortes d’idées : Un, la militarisation. Deux, l’extension de l’euro. Trois, faire un exemple et punir. Ce sont précisément ces prises de position qui durcissent la crise de l’UE et qui motivent d’autres millions de gens à tourner le dos à l’UE.

Militarisation Le 29 juin, quelques jours seulement après le référendum du « Brexit », les 27 pays membres restants de l’UE ont discuté une proposition de stratégie de la Haute Représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, qui énonce comme « objectif à long terme » une « Union européenne de la Sécurité et de la Défense communes ». Une telle « Union » ne pourrait exister qu’avec une armée de l’UE. Après avoir agi dores et déjà dans « trente missions communes sur trois continents » sur le plan militaire, il faudrait « aller successivement en avant dans le développement » de cette orientation. Nous apprenons : il n’y a pas assez d’argent pour l’intégration des réfugiés. Il y a assez d’argent pour la militarisation de l’UE. Ce qui va créer de nouveaux réfugiés, et ainsi de nouveaux arguments pour la militarisation. Rien que la mission de l’armée allemande en Afghanistan a englouti jusqu’ici, selon les calculs de l’Institut allemand de la recherche économique (DIW), « de 20 à 45 milliards d’euros ».

Extension de la zone euro Quatre jours après le référendum britannique, le <I>Frankfurter Allgemeine Zeitung<I> (note du traducteur : un quotidien conservateur allemand) a titré : « Juncker veut utiliser le Brexit pour parfaire l’euro. » Le président de la Commission européenne voudrait, apprend-on dans cette source, maintenant « mettre tout en œuvre pour mettre fin à l’,UE aux multiples monnaies’ existant jusqu’ici ». Dans un nouveau plan en dix points du SPD (note du tracteur : Parti social-démocrate allemand) sont exigés « une démarche plus rapide dans l’Union économique et monétaire » et « plus d’Europe ». L’UE prétend avec arrogance de représenter « l’Europe », alors que dès avant le Brexit, avec 508 millions d’habitants, elle ne représente qu’environ 60 % de la population européenne avec 820 millions de personnes. La division continue : 19 des 28 pays membres de l’UE appartiennent à la zone euro. Neuf pays insistent cependant à garder leur propre monnaie. La « monnaie unique », quant à elle, divise doublement : d’abord en pays de la zone euro et autres pays membres de l’UE. Deuxièmement, au sein de l’espace euro, entre le centre et la périphérie (voir page 2).

Faire un exemple et punir Immédiatement après le vote en faveur du Brexit le député européen des libéraux allemands, Alexander Graf Lambsdorff, parlant ici pour une grande partie de la classe politique, a demandé qu’il n’y ait maintenant « pas de ristourne pour les Britanniques ». Le numéro deux du gouvernement allemand, le social-démocrate Sigmar Garbriel, a exigé que les négociations avec la Grande-Bretagne ne soient « pas retardés ». A Bruxelles, il s’agit de faire un exemple et de punir, pour « ne pas permettre aux anti-européens dans d’autres pays membres d’avoir le vent en poupe ».

Et il y a des réflexions, à Bruxelles et à Londres, visant à ignorer le vote pour le Brexit ou à miser sur un deuxième référendum. Ca semble avoir un air connu. En 1992, les Danois ont dit « non » au Traité de Maastricht. En 2001 et 2008, il y a eu deux fois un « non » irlandais aux traités de Nice puis de Lisbonne. En 2005, il y a eu un « non » français et néerlandais au Traité constitutionnel européen (TCE). Mais comment a alors réagi, à chaque fois, l’UE ? On a mis le projet de Traité constitutionnel à la poubelle… et a mis en vigueur, en lieu et place du TCE, le Traité de Lisbonne dont le contenu est largement identique. Les Danois et les Irlandais ont eu le droit à autant de votes qu’il fallait pour que le résultat convienne (à ceux d’en haut). Il y a tout juste un an, il y a eu le Grèce le « non » au diktat d’austérité de l’UE. « Ca ne va pas du tout ! », a-t-on réagi à Bruxelles. Sans délai on a fait un exemple, organisé un chantage brutal et retourné Syriza dans le sens des exigences de créanciers (voir colonne de droite).

Aussi aujourd’hui, les réactions de nombreux hommes et femmes politiques de l’UE tendent à mettre sous le tapis le référendum britannique. La procédure (selon l’article 50 du Traité de l’Union européenne) est cependant claire : selon ses règles, il faut attendre que le pays membre concerné « informe » officiellement – de la part du gouvernement – de sa sortie. Ensuite, « l’Union négocie avec ce Etat un accord sur les détails de la sortie ». Pour cela, s’applique un délai de « deux ans après […] l’information ci-dessus mentionnée. » La lettre et l’esprit du Traité de l’UE signifient qu’il faut se laisser du temps pour la mise en œuvre de la sortie. La raison est compréhensible : il s’agit, pour les deux côtés, d’empêcher que se produise un préjudice inutile.

FactCheck:EUROPE voit dans le vote en faveur du Brexit un signe de plus pour la crise de l’UE qui s’approfondit. Nous nous prononçons contre toute politique qui vise à faire un exemple en punissant. Par ailleurs : même si la rupture que représente le résultat du référendum est profonde, sur deux points, rien d’essentiel ne change. Premièrement, la Grande-Bretagne – tout comme les Etats de l’UE – demeure dans l’OTAN. Or, l’UE et l’OTAN poursuivent leur politique va-t-en-guerre entre autres à l’égard de la Russie. Deuxièmement, les plus grandes banques du monde continuent de gérer dans la Cité de Londres leurs centrales de blanchiment de fonds. A partir de cet endroit, elles pilotent la place financière la plus dérégulée du monde occidental. L’Europe est dominée par les grandes banques et les grands groupes capitalistes. Et ici, l’emploi du terme « Europe » est justifié.